Sommet Arabe | Les trois enjeux d’Alger Et «l’épreuve Maroc»

Pour cause de crise sanitaire Covid-19, puis de désaccords sur certains points de son ordre du jour (la réadmission de la Syrie au sein de la Ligue Arabe, la condamnation de l’Iran pour son interférence dans les affaires des Etats arabes), il a fallu attendre 3 ans avant que l’Algérie puisse enfin abriter la 31ème session du Sommet Arabe.

Sommet Arabe qui, dans la perception du pays d’accueil et compte tenu des défis que ce pays avait à relever, était peu à peu devenu «son» Sommet.

C’est ainsi que 3 enjeux du Sommet sont devenus 3 enjeux d’Alger.

Un enjeu diplomatique, un enjeu politique et un enjeu fédérateur qui, outre d’autres raisons, a essentiellement achoppé sur «l’épreuve Maroc».

Focus.

Le 31ème Sommet Arabe a pris fin mercredi 2 novembre (2022).

Baisser de rideaux en Algérie, pays d’accueil, après deux jours de travaux préparatoires des ministres des Affaires étrangères (30-31 octobre 2022), quiétaient chargés d’arrêter de façon définitive l’ordre du jour du Sommet et de préparer un projet de Déclaration finale ; suivis de deux jours pour le Sommet proprement dit des Chefs d’Etat (1-2 novembre).

Au terme de ces quatre jours, les travaux de la 31ème édition du Sommet de la Ligue arabeont été sanctionnés par une Déclaration portant sur 5 volets: «La Cause palestinienne», «La situation dans le monde arabe», «Le renforcement et la modernisation de l’action arabe commune», «Les relations avec les pays du voisinage et les partenariats» et «Le contexte mondial».

Une longue suite de résolutions, fruits d’un consensus arraché au prix de pressions par-ci, concessions par –là, au niveau des travaux préparatoires… Des résolutions toutes aussi honorables les unes que les autresau bout du compte, mais qui restent de simples vœux, appels et recommandations, sansgrande chance d’être d’être suivis d’effet.

Ce qui désespère les Peuples arabes…

L’AFP du 2 novembre rapportait, par exemple, que «Dans un éditorial consacré au Sommet et reflétant le scepticisme de la rue, le principal journal palestinien, Al-Qods, a affirmé que les Palestiniens « n’ont plus besoin des résolutions verbales que nous avons beaucoup entendues, mais d’actions concrètes sur le terrain »».

Le fait est que la Ligue arabe a tenu son Sommet et que ses membres ont réussi à s’entendre sur une Déclaration commune. L’honneur est sauf à ce niveau-là…

Un enjeu diplomatique

Mais, ce Sommet était-il bien un défi de la Ligue arabe ? Ou était-il devenu celui de l’Algérie qui, parce qu’elle en était le pays hôte,en a fait«une affaire personnelle»…

L’Algérie s’est ainsi, péremptoirement, mais bien imprudemment,approprié trois enjeux, dont les résultats sont loin d’avoir porté leurs fruits.

D’abord, un enjeu diplomatique.

C’est la Ligue Arabe qui, en toute logique, pouvait aspirer au succès diplomatique, à l’occasion de son 32ème Sommet, avant de s’en prévaloir ou non, au vu des résultats.

Or, cet enjeu est devenu celui du Régime algérien.

Après la quasi-paralysie de l’État qu’ont entrainée les années Bouteflika alors cloué dans un fauteuil roulantsuite à un AVC ; et deux années de révolte populaire conduite par le Hirak, le Régime algérien a vu dans cette occasion qui lui était donnée d’abriter le Sommet arabe (c’était tout simplement son tour en tant que membre de la Ligue Arabe), une aubaine pour effectuer un grand retour sur la scène diplomatique.

Cet enjeu était d’autant plus important que le Régime d’Alger, arcbouté sur ses positions et référentiels des années 60, n’ayant pas réalisé que toutes les cartes étaient rebattues, dans la Région autant que dans le monde ; et ayant mobilisé sa diplomatie -obstinément et aveuglément- autour d’un seul dossier, celui du Maroc et de son Sahara, s’en est trouvé dans un isolementdiplomatique que seule une poignée de pays a empêché d’être total… Notamment, la Tunisie voisin obligé d’Alger, la Russie dont l’Algérie est un client en armement important, ou encore la France dont l’intérêt pour l’Algérie a grandi parallèlement à deux tensions conjoncturelles -tension sur les relations maroco-françaises(peut-être en voie de prendre fin, suite à l’entretien téléphonique que viennent d’avoir SM Mohammed VI et le Président Macron) et tension sur le gaz aggravée par la guerre en Ukraine…

Revenir en force sur la scène diplomatique était donc le premier pari du Régime d’Alger.

A-t-il réussi ce pari ?

Certes, le Sommet s’est bien tenu en Algérie. Ce qui n’était pas aussi sûr que la presse algérienne voulait le laisser croire. Le dernier report ne remonte pas à loin. Il a eu lieu en mars (2022) seulement…

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Cependant –et malgré toutes les garanties que la Ligue Arabe s’est évertuée à obtenir auprès d’Alger pour rassurer les 22 membres de la Ligue, la moitié des Dirigeants arabes –et non des moindres- n’ont pas fait le déplacement.

Peut-on parler de «grand succès diplomatique» d’un Sommet quand 11 Chefs d’Etat sur 22 en étaient absents ? Et à qui attribuer cet échec, si ce n’est au Régime d’Alger, qui s’est stupidement employé à «réinitialiser» le Sommet de la Ligue Arabe en Sommet de l’Algérie ?

Un Sommet qui n’a eu aucun résultat marquant !

Quid de l’enjeu politique ?

Et pour cause, l’autre enjeu du Régime algérien, sans doute le plus important -l’enjeu politique- n’a pas connu un meilleur sort. Il s’agit de la centralité de la Cause palestinienne.

Pêchant par encore plus de prétention -et dans unesilencieuse mais perfide allusion aux Etats arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël- le Régime d’Alger s’est imposé comme le chantre de cette cause… Le premier –voire l’unique- défenseur de la centralité de la Question palestinienne.

Mettant pompeusement en avant l’accord de réconciliation entre les deux frères palestiniensrivaux (Hamas et Fatah, qui en ont signé bien d’autres avant, y compris sous l’égide de l’Egypte, aucun n’ayant tenu longtemps), que l’Algérie a parrainé le 13 octobre dernier, Alger comptait sur sa propre «centralité» dans les débats et décisions concernant la… Centralité de la Cause palestinienne.

Or, quel en a été le résultat ?

Rien qui redore le blason du Régime d’Alger ! Et encore moins qui fasse avancer la question palestinienne.

La déclaration finale a tout simplement réaffirmé «l’attachement» des pays membres de la Ligue Arabe au plan de paix de 2002, qui préconise «La paix contre les territoires» (la paix avec Israël contre sa restitution des territoires occupés en 1967).

Pire encore pour les responsables d’Alger, alors qu’ils déblatéraient dans la grande salle de conférence du Sommet, Israël votait leretour au pouvoir de Benyamin Netanyahou et de son parti, le Likoud, qui compte formerun nouveau Gouvernement avec la Droite la plus dure…

Alger fédérateur ?

Jusque-là, on pouvait encore dire que le Régime d’Alger n’a pêché que par excès de vanité et que ses échecs sont peut-être dus à des vents contraires indépendants de sa volonté.

Mais, en ce qui concerne le 3ème enjeu, celui de sa prétendue volonté de «fédérer» les Etats membres de la Ligue Arabe, la responsabilité de son échec lui incombe directement et exclusivement.

Le slogan était prometteur: «Lamm Achaml» (ce qui peut être traduit par «Réunir la famille»). Il a été claironné urbi et orbiavant le Sommet.

Beaucoup y ont cru. Le Maroc le premier. Son Roi a aussitôt décidé de participer à ce Sommet, voire de convaincre ses pairs du Golfe de la nécessité d’y être tous ensemble…

Mais au vu de ce qui s’est passé, il semble que ce slogan n’était destiné qu’à convaincre les Etats membres de réintégrer la Syrie ! Car, c’est le seul cas où Alger a réellement et vigoureusement bataillé pour «Lamm Achaml» (slogan pour slogan, on le garde…).

Par contre, comment le Régime algérien peut-il dire aux Dirigeants arabes, qui subissent les ingérences, noyautages et opérations armées de l’Iran, qu’il œuvre à «LammAchaml», alors qu’il défend bec et ongles leur agresseur, ce même Iran ?

Un Iran qui, au lieu de «Lamm Achaml» avec les Etats arabes, au nom de la religion commune, menace leur sécurité et leur stabilité sous l’étendard du Chiisme, dont le croissant ne se contente plus de s’étendre de l’Irak au Liban, mais cherche désormais à s’infiltrer et interférer au Maghreb et en Afrique.

Comment le Régime algérien peut-il prétendre «LammAchaml», alors qu’il mène une guerre fratricide contre son voisin de l’Ouest –le Maroc- depuis un demi-siècle ? Guerre qu’il sait perdue sur le terrain, mais qu’il entretient pour sa propre survie ?

Et «l’épreuve Maroc»…

Le traitement qui a été réservé au Maroc, dès l’ouverture du Sommet, est la preuve flagrante que le Régime d’Alger n’a aucune intention de «Lamm Achaml». Aucune, d’aucune sorte !

Et certainement pas avec le Maroc, qui a eu droit à une série de démonstrations d’hostilité, de sournoises provocations et de minables tentatives d’humiliation.

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Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qui avait personnellement accueilli le ministre de la Justice algérien, lorsqu’il était venu au Maroc porteur de l’invitation au Sommet, s’est vu envoyer un simple fonctionnaire le recevoir à sa descente d’avion en Algérie. Alors que la courtoisie, si ce n’est la règle, aurait voulu que ce soit son homologue, Ramtane Lamamra, qui vienne à sa rencontre (si tant est qu’on puisse qualifier d’homologue de Nasser Bourita, ce «diplomate» du pays voisin tellement spécialisé dans les affaires du Maroc et de son Sahara qu’il en oublie le nom du Président libanais sortant, Michel Aoun et le remplace par celui d’un de ses prédécesseurs, Émile Lahoud, qui a quitté le pouvoir en 2007 !).

La presse algérienne (dont on sait qu’elle n’agit que sur instructions, sous peine de connaître le sort du dernier titre en date disparu: Liberté), s’est appliquée à ne passer aucune photo de Nasser Bourita, ni aucune information le concernant, hormis les insultes, devenues le droit commun de la presse affidée d’Alger.

Même la presse étrangère, quand cela a été possible, a été empêchée d’interviewer le ministre des Affaires étrangères du Maroc. C’est le cas de l’AFP, qui en a fait part à Nasser Bourita. Par contre, pour la télévision saoudienne, les senseurs ont bien été obligés de faire profil bas (d’où l’interview de Nasser Bourita à Al Arabya, par exemple).

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Ne parlons même pas de l’inqualifiable scandale des services algériens, qui ont renvoyé les journalistes marocains, dont ceux de la 1ère chaine de télévision nationale «Al Oula», les empêchant d’informer le citoyen marocain du déroulement du Sommet arabe et des activités des représentants de leur pays à ce Sommet.

Ou encore de la carte du Maroc sans son Sahara, diffusée par la chaîne internationale algérienne AL24 News, alors que la carte officielle de la Ligue Arabe a pris le soin de ne pas délimiter les frontières. Elle a juste apposé le drapeau de chaque membre de la Ligue à son emplacement sur la carte (ce qui a donné lieu à un communiqué de la Ligue dans ce sens et à des excuses biaisées de la télévision algérienne, imputant la faute au «graphisme». Lol).  

Ces exemples sont loin d’être exhaustifs.

Que Lamamra s’arroge le droit d’empêcher le ministre des AE du Maroc de prendre la parole pendant la conférence ministérielle préparatoire (ministre qui ne s’est pas laissé faire) ; qu’il tente un sabotage quand Nasser Bourita soulève la question de l’Iran… Plus grave encore, que le Régime algérien ne réponde pas aux questions de la partie marocaine concernant les dispositions prises pour l’arrivée et la participation du Roi du Maroc… 

Autant de petites mesquineries et basses manœuvres, qui ont révolté les Marocains et, sans doute, dissuadé Sa Majesté Mohammed VI, lorsqu’il en a pris connaissance, de maintenir son projet de déplacement en Algérie.

Bien sûr, la meute de médias aux ordres et le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui a fait de sa haine contre le Maroc son (juteux) fonds de commerce, se sont empressés, comme ils en ont l’habitude, deretournerinsidieusement les torts et causes de cette «occasion manquée» (expression de Ramtane Lamamra) au Maroc.

Une chose est sûre, si «occasion manquée» il y a, elle ne l’est pas pour le Maroc.

Le Régime algérien aurait dû «la jouer Grand Seigneur» et, au contraire, réserver au Maroc le meilleur des traitements. Ce qui l’aurait grandi.

Mais en réalité, est-il dans son intérêt de «Lamm Achaml» avec le Maroc ? Il est évident que non.

En tout cas, le Roi du Maroc, lui, grand seigneur, n’écume pas de rage comme tous les Marocains. Non. Il tend encore la main et invite le Président algérien à venir le rejoindre au Maroc. Ensemble, propose le Souverain, ils pourront rattraper l’«occasion manquée»…

Si telle est réellement la volonté d’Alger, Abdelmajid Tebboune sera reçu avec tous les honneurs. Il en est ainsi de la légendaire hospitalité marocaine. Sinon, le Maroc n’a rien à perdre.

Par Bahia Amrani

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