Une chose est certaine, les prochaines années seront marquées par la lutte pour l’hégémonie mondiale entre les USA et la Chine. La Russie n’est plus, au delà du discours officiel, le principal souci des Américains.
Les Etats unis restent la première puissance mondiale, mais en danger de déclin. La Russie n’est plus en mesure de jouer le rôle de Super Grand, défiant mondialement les USA. La Chine est la puissance montante qui veut jouer le premier rôle mondial quitte à, dans quelques années, entrer en conflit avec Washington.
La rencontre Biden Poutine est importante, mais loin d’être capitale. On verra si la nouvelle guerre froide s’atténue, si les relations s’améliorent. Après que le président américain a qualifié, il y a quelques mois, son homologue russe de «tueur», ce sommet semblait avoir un goût d’affrontement est-ouest.
Le Président russe Vladimir Poutine s’est dit prêt, jeudi 17 juin, à poursuivre le dialogue avec les États-Unis si ceux-ci le sont aussi, au lendemain de son premier Sommet avec son homologue américain Joe Biden, à Genève.
«Nous sommes prêts à poursuivre ce dialogue dans la même mesure où la partie américaine y est prête», a-t-il déclaré durant une rencontre avec des diplômés d’une école formant les hauts fonctionnaires russes retransmise à la télévision.
Évoquant sa rencontre avec Joe Biden, le Président russe a déclaré: «Nous avons pu nous comprendre, comprendre nos positions sur les questions clés». Vladimir Poutine a ensuite ajouté que son interlocuteur lui avait fait l’effet d’un «professionnel» avec qui «il faut travailler très attentivement pour ne rien manquer». Il répondait à une question sur les capacités cognitives du président américain, alors que certains de ses détracteurs les pointent du doigt du fait de son âge avancé.
«Lui ne laisse rien passer, je vous le garantis», a-t-il poursuivi. «Il comprend ce à quoi il veut parvenir et il le fait très habilement, ça se sent très rapidement. Mais en même temps, l’atmosphère était assez amicale». Les éléments les plus concrets à en être ressortis sont la mise en place sous peu d’un dialogue sur la sécurité stratégique, notamment les questions de désarmement et le retour des ambassadeurs des deux pays à leur poste.
Les sujets qui posent problème étaient nombreux avant la rencontre, ils le sont toujours après, mais pour Pascal Boniface, directeur de l’Iris et auteur du Bateau ivre (Ed. Armand Colin), Joe Biden a quand même rempli ses objectifs, notamment à se distinguer de Donald Trump. Ce qu’il y a à retenir de cette rencontre, c’est l’apaisement des tensions. On était dans une situation où les deux pays n’étaient même plus représentés par leurs ambassadeurs respectifs. C’est quand même un degré assez fort de tension et d’hostilité entre deux nations. Le simple fait de renvoyer les ambassadeurs l’un chez l’autre montre la volonté de reprendre un contact et de faciliter la voie diplomatique. Ils ne sont bien sûr pas d’accord sur tout et ils ne le seront jamais, mais on peut dire qu’ils se sont mis d’accord sur leurs désaccords.
Cela peut permettre de faire en sorte que les désaccords qu’ils ne manqueront pas d’avoir dans le futur n’empêcheront pas le fait d’avoir un dialogue et des contacts pour éviter que les conflits se transforment en escalade. Joe Biden a même employé le terme de «guerre accidentelle» qu’il fallait éviter.
Le Président démocrate a sauvé la face lors d’un sommet qui aurait pu déraper. Son but: trancher avec le comportement de son prédécesseur et définir clairement les lignes rouges que la Russie ne doit pas franchir. S’il n’a probablement –les prochaines semaines le diront– rien obtenu de vraiment substantiel à part le retour aux affaires des ambassadeurs américain et russe à Moscou et à Washington, Joe Biden a au moins sauvé la face. Et n’est pas ressorti affaibli de la rencontre. C’est déjà une petite victoire. «Avec Poutine, Biden tente de forger un lien d’intérêt, pas d’âme», analyse le New York Times, pour lequel un «vernis» de discours civilisé accompagne leur «joute sur la scène internationale».
C’est donc la Chine qui a dominé le voyage européen du président Biden, en Cornouailles, lors du G7, comme à Bruxelles, à l’OTAN et devant les dirigeants de l’Union européenne. C’est le centre de sa politique étrangère. Sa priorité va à cette nouvelle guerre froide du XXIe siècle entre les deux premières puissances économiques du monde. Mais cette alliance des démocraties, qu’il prônait, contre les Etats autoritaires avant de quitter Washington n’a pas fait le triomphe attendu à Carbis Bay, comme à Bruxelles. Derrière les images bienvenues d’un retour de relations normales entre les Etats-Unis et l’Europe après quatre années de chamboule-tout diplomatique mené par Donald Trump, la question chinoise a divisé les alliés européens. Certes, le G7 a dénoncé les violations des droits de l’homme en Chine et les interventions de Pékin à Hongkong et à Taïwan, et l’OTAN a qualifié le Chine de «défi systémique», comme le voulait Washington. Mais, «le G7 n’est pas un club hostile à la Chine», a précisé Emmanuel Macron, qui avait rappelé auparavant que la Chine était loin de l’Atlantique Nord sur une carte, tandis que la chancelière Angela Merkel est soucieuse de ne pas couper les ponts économiques avec Pékin.
Le changement des équilibres mondiaux reste décidément peu intégré par les européens.
Patrice Zehr