Technocrates et Politique : Quelle solution ?

Les technocrates faussent-ils le jeu démocratique ?

Lorsqu’ils intègrent un gouvernement –et deviennent donc ministres- ont-ils une légitimité pour occuper cette fonction politique ?

C’est le grand débat qui «ressuscite», chaque fois, à veille de la nomination d’un gouvernement, ou de son remaniement.

C’est donc, aujourd’hui, un sujet d’actualité brûlante.

Au Maroc, si le gouvernement n’est plus dirigé par un technocrate, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 2011 et de son article 47 qui énonce que «Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats», par contre, il compte bien des technocrates parmi ses membres. Et ils sont nombreux.

L’anecdote, ces dernières années, consistait à dire que la coalition gouvernementale était composée de 7 partis, alors que tout le monde sait qu’elle ne comptait que 6 partis politiques (le PJD, le RNI, l’USFP, le MP, l’UC et le PPS, avant que ce dernier ne quitte le gouvernement, la semaine dernière).

Le 7ème parti est celui des technocrates, ironisent leurs pourfendeurs…

Bien évidemment, les technocrates sont appelés «technocrates» parce qu’il s’agit de profils et compétences qui, précisément, n’appartiennent à aucun parti politique…
Cependant, certains d’entre eux rejoignent l’un ou l’autre des partis de la majorité, dès leur nomination au sein du gouvernement. Les pourfendeurs persiflent alors que ces technocrates ont été «peints» aux couleurs du parti d’accueil pour les besoins de la situation.

Ce qui n’est pas faux. Mais ce n’est pas une exception marocaine.

L’adjonction des technocrates aux représentants des partis, dans la composition d’une équipe gouvernementale, est un fait courant dans les démocraties avancées. Aussi bien le Président Sarkozy que le Président Macron y ont eu recours… Pour ne citer que l’exemple français.

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Si cela est si mal pris, au Maroc, c’est pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que les technocrates, qui sont choisis pour leurs compétences, spécialisation et profils pointus, font de l’ombre aux représentants des partis, qui sont parfois arrivés au pouvoir au regard de leur militantisme, de leur défense du référentiel et de l’idéologie de leur parti, ou de leur stature politique. Mais qui n’ont pas toujours les connaissances nécessaires pour occuper certaines fonctions qui requièrent expérience et/ou technicité (Equipement et travaux publics, Santé, Finances, etc).

Ajouté à cela que, par leur seule présence, les technocrates soulignent l’échec des partis politiques à produire de nouvelles élites.

Puis il y a un autre problème. Non seulement les partis politiques, qui devraient être des pépinières d’élites, n’en forment pas suffisamment, mais ils ne s’ouvrent pas à celles que comptent le pays. Que faire alors de toutes ces élites que forme l’Etat et qui aspirent à trouver des débouchés à la hauteur de leurs ambitions ? Si les partis ne les recrutent pas et qu’en plus ils leur barrent la route quand l’Etat fait appel à eux, que leur reste-t-il à part tenter leur chance à l’étranger ? Ce qui aggrave la fuite des cerveaux, dont la formation a été financée dans leur pays, mais qui profite à d’autres…    

Dans les démocraties développées, les partis politiques sont à l’affût des profils qui peuvent les enrichir et leur permettre de creuser l’écart avec leurs concurrents et adversaires politiques.

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Au Maroc, aucune stratégie de cette intelligence-là, de la part des partis politiques, qui ne savent même pas comment régler les problèmes de mobilité interne de leurs militants…

C’est alors le Roi qui intervient, lors de la formation d’un gouvernement, pour suggérer des profils idoines, parmi ces élites sans étiquette, le souci étant l’efficacité de l’exécutif. Mais, aussitôt, les partis déploient leur réquisitoire contre les technocrates.

Parmi les arguments, il y en a un qui retient l’attention. Il met en garde contre le fait que les projets proposés par les technocrates n’auraient aucun moyen d’être défendus au parlement, où seuls les partis sont représentés et où ceux de la majorité font la loi (au sens propre et figuré). 

Le problème ne s’est pas vraiment posé, jusque-là. Mais, le cas échéant, faudrait-il revenir à l’expérience des années 80, où les indépendants étaient acceptés au Parlement ? Les technocrates devraient-ils se constituer en groupe de sans-étiquette, ou groupe des indépendants ? Cela bouleverserait le paysage politique, car l’afflux des élites technocrates pourrait être tel que celles des partis politiques ne pèseraient pas lourd…

Le plus sage serait donc, pour les partis politiques, de prendre le problème des élites à bras-le-corps et de faire en sorte que les technocrates soient en nombre dans leurs propres rangs, afin qu’il n’y ait plus besoin d’aller en chercher ailleurs… Et que les élites puissent réaliser leurs rêves et objectifs, ici, tout en contribuant à l’essor de leur pays, au lieu d’aller en terre inconnue chercher un eldorado de moins en moins probable. 

Bahia Amrani

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