(De g à d) Vladimir Poutine & Volodymyr Zelensky
Est-ce de l’intoxication ou une véritable inquiétude? Ce qui est sur c’est que dans les rédactions des grands journaux européens les bruits les plus alarmistes circulent sur une possible invasion de l’Ukraine par la Russie.
Près de huit ans après l’annexion de la Crimée et le début du conflit dans le Donbass, les manœuvres militaires russes à la frontière ukrainienne suscitent de vives inquiétudes dans les chancelleries occidentales. Il est évident qu’il y a une forte tension entre Moscou et Kiev avec des mouvements de troupes du coté russe. Dans l’entourage politique proche de Poutine on a toujours estimé que l’Ukraine faisait partie de la Russie historique depuis les origines. Poutine lui-même pense que la volonté de l’Otan de se présenter en protecteur de l Ukraine reste une menace inacceptable pour la sécurité russe.
L’OTAN et l’Union européenne ont mis en garde Moscou, contre de «lourdes conséquences» en cas d’intervention militaire en Ukraine, après avoir rejeté la volonté de veto de la Russie quant à la possible adhésion de Kiev à l’Alliance. «Toute nouvelle agression contre l’Ukraine aura des conséquences lourdes et un coût élevé en réponse», ont affirmé les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept pays de l’UE, réunis en sommet à Bruxelles. Les Vingt-Sept ont appelé à «encourager les efforts diplomatiques» avec Moscou dans le cadre du format Normandie». Dans cette configuration diplomatique, instaurée lors d’un sommet à Minsk en 2015, la France et l’Allemagne jouent le rôle de modérateurs dans les pourparlers entre les deux belligérants.
Une mise en garde de l’OTAN a suivi, dans le même esprit. «Nous ne ferons aucun compromis sur le droit de l’Ukraine à choisir sa propre voie, sur le droit de l’OTAN à protéger et à défendre tous ses membres, et sur le fait que l’OTAN a un partenariat avec l’Ukraine», avait auparavant affirmé le Secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, après une rencontre au siège de l’OTAN avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. La Russie exige que l’OTAN renonce «formellement» à sa décision, prise en 2008, d’ouvrir la porte à l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, une ligne rouge pour le Kremlin. Partisan de sanctions préventives, Volodymyr Zelensky n’a pas caché sa déception devant l’attentisme de l’UE: «Beaucoup de dirigeants européens ne comprennent généralement pas ce qui se passe à nos frontières », a déploré le président ukrainien. Alors que les forces ukrainiennes combattent dans la région du Donbass des forces séparatistes prorusses, que Moscou est accusé de soutenir, M. Zelensky s’est engagé à «ne pas céder aux provocations» et à n’avoir «aucune attitude agressive».
Le bras de fer se complique des perspectives de mise en activité du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. Récemment achevé, mais pas encore entré en service, «est une pièce du grand puzzle», a assuré le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki.L’utilisation de cette infrastructure comme levier divise au sein de sa coalition, a expliqué une source diplomatique.
Le Kremlin a confirmé ce jeudi 16 décembre «sa détermination à entamer immédiatement les négociations» avec les États-Unis sur les garanties de sécurité pour Moscou face à l’intention de l’Otan de déployer ses forces en Europe de l’est. Il s’agit notamment de deux documents – un traité et un accord – que Sergueï Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a transmis la veille à Karen Donfried, secrétaire d’État adjointe des États-Unis pour l’Europe et l’Eurasie. Le 10 décembre, évoquant la nécessité d’ »établir un dialogue sérieux » sur les questions liées à la sécurité du pays, la diplomatie russe a souligné que la volonté d’entraîner l’Ukraine dans l’Otan comportait «le risque de déploiement de systèmes de missiles de frappe rapide et d’autres armes déstabilisatrices à distance minima de la partie centrale de la Russie». Un «comportement irresponsable» qui «crée de graves risques militaires pour toutes les parties concernées pouvant mener à un conflit d’envergure européenne», selon Moscou.
Plus tôt cette semaine, Vladimir Poutine avait évoqué la nécessité «du lancement immédiat de négociations internationales» sur le sujet.
Depuis plusieurs semaines, des images satellites révèlent un important renforcement de la présence militaire russe aux portes de l’Ukraine qui tire la sonnette d’alarme auprès de ses alliés occidentaux. Les autorités du pays estiment à plus de 90.000 le nombre de soldats russes massés près de sa frontière. «Les intentions russes ne sont pas claires», a reconnu le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, lors d’une visite aux forces de l’Alliance en Lettonie. Mais, a-t-il ajouté, il y a une concentration inhabituelle de forces pour la deuxième fois cette année».
Au printemps 2021, des déplacements de troupes russes avaient déjà suscité l’inquiétude de l’Ukraine et de l’Otan. Cette fois, la situation semble différente, assurent les experts interrogés par France 24. «Il s’agit là, non pas de manœuvres militaires, mais d’une montée en puissance progressive du dispositif russe», analyse l’ancien diplomate Jean Gliniasty, spécialiste de la Russie.
Cependant, si la menace est crédible, le coût d’une attaque de l’Ukraine pourrait s’avérer considérable pour la Russie. Soutenue par les États-Unis, l’Ukraine a désormais des capacités militaires bien plus importantes qu’en 2014, année de l’annexion illégale de la Crimée par Moscou. Selon un porte-parole du Pentagone interrogé en juin, Washington a investi plus de 2,5 milliards de dollars pour renforcer la défense du pays depuis 2014.
La stratégie russe ne change pas. En 2014, il s’agissait déjà d’une intervention militaire dans les frontières internationalement reconnues Ukraine puisque la Russie a occupé la Crimée et apporté un soutien militaire aux séparatistes dans l’Est du pays. Mais va-t-il y avoir une nouvelle intervention militaire ? C’est très difficile de le savoir.
Patrice Zehr