Le ministre de la Justice a pris la décision de faire la guerre aux faux témoins qui ont érigé leur activité malhonnête en véritable profession. Les tribunaux seront équipés de caméras.
Et dire qu’il existe des gens qui font du faux témoignage presque une profession ; un gagne-pain qui devrait rester en travers du gosier de ceux qui le pratiquent, tellement cet acte constitue une injustice flagrante à l’égard de ceux qui en font les frais. Dans certains cas, il y en a qui voient le faux témoignage faire basculer leur vie parce que celui qui l’a commis a fait prévaloir la version de leur adversaire, moyennant monnaie sonnante et trébuchante, la somme variant selon l’importance du conflit pour lequel il est sollicité.
«J’ai été sidéré en entendant le témoignage devant la Cour d’un paysan voisin avec lequel j’entretenais les meilleures relations de fraternité et de bon voisinage. Il a ‘‘juré’’ (un parjure) m’avoir vu bastonner «Bla rahma» mon voisin pour le dissuader de traverser mon terrain en allant chez lui, lui occasionnant de graves blessures, sachant pertinemment que je n’ai jamais été violent», nous a confié un ancien détenu (paysan) qui a passé six mois en prison.
Ces énergumènes et faux témoins existent et évoluent dans la quasi-totalité de nos tribunaux. Ils sont connus.
Parallèlement, il existe une autre profession qui les épaule dans leurs sales besognes. C’est celle des courtiers (smassriya) qui interviennent entre les faux témoins et ceux qui payent largement leurs services. Ils s’attablent généralement dans les cafés juxtaposant les locaux des tribunaux. Ils sont visibles même dans les halls de ces derniers. C’est d’ailleurs pour essayer de les neutraliser que le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, s’est engagé à doter l’espace des tribunaux de caméras pour suivre de près leurs agissements; ces faux témoins dont le chiffre est en nette progression. Ce sont près de 800 de ces énergumènes qui ont été coincés et traduits en justice pour faux témoignage entre 2012 et 2013.
Cette dame a vu sa vie complètement bousillée par le faux témoignage d’une femme qui a juré l’avoir vue plusieurs fois en compagnie d’un homme, un voisin, alors qu’elle était mariée. «Bien sûr, le faux témoignage a été récusé par le tribunal pour manque de preuves tangibles, mais le mari m’a quand même répudiée parce qu’il ne voulait pas continuer à vivre avec moi sous le même toit et sous l’emprise du doute», a-t-elle dit.
Sur le plan religion, le faux témoignage est sévèrement dénoncé. «Un bon musulman, nous rappelle un imam, ne doit pas faire de faux témoignage. C’est totalement Haram, plus particulièrement quand il nuit à la crédibilité, au présent et à l’avenir des croyants».
Mais ceci n’empêche pas les pratiquants de cette profession, vieille comme le monde, de continuer de mettre en sourdine leur conscience et d’exercer en toute impunité.
«Il faut reconnaître, nous a confié un avocat exerçant à Rabat depuis près de trois décennies, que les cas de faux témoignage prolifèrent, plus particulièrement dans le monde rural, là où l’analphabétisme est bien installé. Ces pratiques intéressent exclusivement les conflits relatifs à la terre, aux terrains agricoles, à l’infidélité, au vol, etc». Quant aux faux témoins, l’exercice de cette pratique serait la résultante de la situation sociale de ces malfrats qui n’ont pas d’emploi sur place, mais qui trouvent dans cette profession un rendement juteux, selon l’importance des cas à traiter.
«Bien sûr, nous a affirmé l’avocat de Rabat, la situation sociale de ces malfrats ne devrait pas empêcher la justice de sévir lourdement pour empêcher les faux témoins de proliférer, détruisant la vie de nombreuses honnêtes gens qui, pour une raison ou une autre, tombent dans leurs filets».
Bien sûr, la loi pénalise sévèrement les cas de faux témoignage. Encore faut-il les épingler en flagrant délit, ce qui exige une mobilisation des autorités compétentes. Une sensibilisation de ce phénomène s’impose et la société civile devrait être sérieusement impliquée pour mettre fin à cette gangrène.
Mohammed Nafaa