Tunisie | 2022 année cruciale

Dans un contexte de blocage politique, le Président Kaïs Saied s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 dans le pays qui fut le berceau du Printemps arabe en 2011.

Le 13 décembre (2021), il a dévoilé une feuille de route destinée à sortir de la crise avec un scrutin législatif prévu en décembre 2022, après révision de la loi électorale et un référendum en juillet pour amender la Constitution, qu’il veut plus «présidentielle», aux dépens du Parlement. Depuis le1er janvier 2022 au 20 mars, une «consultation populaire» électronique est organisée dans tout le pays pour faire émerger des idées qui doivent servir de base aux amendements constitutionnels.

Un procédé qui illustre, selon ses détracteurs, les méthodes «populistes» du président, élu en 2019 avec près de 73 % des suffrages et qui continue de jouir d’une popularité solide. «Le pays nage en pleine incertitude politique, même après l’annonce par Kaïs Saied de sa feuille de route qui ne semble pas rassurer les partenaires, ni à l’intérieur ni à l’extérieur», indique le politologue Hamza Meddeb cité par le quotidien français 20 minutes. «Il y a beaucoup d’interrogations sur la fiabilité de ce processus. On n’a jamais essayé en Tunisie ce genre de référendum et on ne sait pas comment le président compte organiser ces consultations. 

Le Syndicat national des journalistes en Tunisie a de son côté mis en garde contre «un danger imminent menaçant la liberté de la presse, des médias et d’expression». L’ancien Président tunisien Moncef Marzouki a été condamné «in absentia» à quatre ans de prison, mercredi 22 décembre 2021, pour «atteinte à la sécurité extérieure de l’État», a déclaré l’agence de presse nationale TAP. L’ancien dirigeant avait appelé la France, en octobre dernier, à cesser de soutenir l’administration actuelle. 

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Moncef Marzouki, qui réside à Paris, avait critiqué le président Kaïs Saied, affirmant qu’il avait organisé un coup d’État.

Le président adjoint d’Ennahdha, Noureddine Bhiri, proche de Rached Ghannouchi, chef du parti d’inspiration islamiste et bête noire du chef de l’État, a été arrêté vendredi 31 décembre (2021), a-t-on appris de sources concordantes. «Des agents en civil qui étaient à bord de deux voitures ont arrêté Noureddine Bhiri alors qu’il sortait avec sa femme de son domicile, à El Manar», quartier de Tunis, a indiqué à l’AFP l’avocat Samir Dilou, député démissionnaire d’Ennahdha. Selon la même source, Noureddine Bhiri, figure puissante au sein de ce mouvement, a été «arrêté brutalement et emmené vers une destination inconnue». Les agents en civil se sont aussi emparés du portable de son épouse Saïda Akremi, avocate de profession.

Ennahdha est au cœur d’un bras de fer avec le Président Kaïs Saied depuis son coup de force le 25 juillet et sa décision de suspendre le Parlement, que ce parti contrôlait depuis une dizaine d’années. Dans son communiqué, Ennahdha a dénoncé «la liquidation des opposants en dehors du cadre de la loi». Dans le budget  2022, la Tunisie prévoit de creuser sa dette de six milliards d’euros supplémentaires pour relancer une économie lourdement affectée par la crise politique et la pandémie de Covid-19.

 En Tunisie, comme en Algérie d’ailleurs, la fin d’année a été placée sous le signe des pénuries et de l’inflation. Les deux pays sont embourbés dans une crise économique et sociale exacerbée par les conséquences de la crise sanitaire. En Tunisie, l’approvisionnement en œufs a été perturbé depuis plusieurs semaines et la pénurie s’est fait ressentir dans les rayons des supermarchés et les petits commerces. «Où sont passés les œufs ?» Se demande le quotidien La Presse, qui fustige la lenteur de la réaction des pouvoirs publics. «Serait-ce une guerre d’usure contre les spéculateurs et dont l’arbitre serait le consommateur ?», interroge encore le journal.

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La réponse est venue du ministère du Commerce tunisien, qui explique la pénurie par la «forte demande faite de la part des familles et des professionnels de certains secteurs, notamment à l’approche des fêtes de fin de l’année», rapporte le site d’information Tunisie Numérique. Le gouvernement a par ailleurs intensifié ses contrôles pour faire face au phénomène très présent de la spéculation sur un produit dont le prix est théoriquement plafonné. Rien qu’au mois de décembre, 6,1 millions d’œufs ont été saisis.

Dans une déclaration relayée par le site d’information économique l’Expert, le président de l’Association tunisienne des producteurs d’œufs de consommation, Hassib Fakhfakh, précise que les œufs sont disponibles, mais qu’ils sont souvent détournés par les gros consommateurs, tels les restaurants et les hôtels. L’une des autres raisons de l’envolée des prix est la hausse des frais générés par l’alimentation des volailles. Même constat pour l’huile végétale subventionnée, quasiment absente dans les commerces de proximité. Très utilisée par les familles, cette huile de friture est également l’objet de spéculations de la part de grossistes, qui stockent sciemment d’importantes quantités pour les revendre.

Situation économique, situation politique, la Tunisie s’inquiète pour son avenir immédiat, l’année 2022 s’annonce bien difficile et de plus en plus éloignée des espoirs de 2011.

Patrice Zehr

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