Jérusalem est une cause qui concerne tous les musulmans. La Palestine est une cause arabe. Le monde arabe ne peut laisser la cause palestinienne devenir une carte dans le jeu d’Erdogan et sa stratégie de rétablir une sorte de califat turc sur le monde arabo- musulman.
La Turquie islamiste d’Erdogan, tente de se réapproprier sinon en territoire au moins en influence son ancien espace impérial ottoman. Remise en cause du découpage territorial insulaire favorable à la Grèce, intervention militaire en Syrie en Lybie ou au Karabakh, Ankara au nom d’Istanbul est sur tous les fronts. Le rapprochement actuel de plusieurs pays du Golfe avec Israël, une marche vers une normalisation qui pourrait concerner l’Arabie saoudite inquiète à juste titre les palestiniens. Ils ont le sentiment qu’après avoir été marginalisé et passé au second plan avec les différentes guerres de l’Irak à la Syrie ils se sentent maintenant quasiment abandonnes. Les turcs eux se présentent comme les vrais défenseurs des palestiniens et même de Jérusalem. Dans un premier temps Erdogan veut se présenter au sein de l’opinion publique arabe comme la puissance pro palestinienne majeure au Proche Orient.
La Turquie a vivement réagi contre la construction de nouvelles colonies illégales israéliennes sur les terres palestiniennes. “En ce jour où nous célébrons le trente-deuxième anniversaire de la fondation de l’État de Palestine, nous rappelons une fois de plus que les territoires palestiniens appartiennent au peuple palestinien” a indiqué le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
Israël, qui a récemment approuvé la construction de 108 nouvelles colonies illégales à Jérusalem-Est, a une fois de plus démontré qu’il continue de violer le droit international et d’enfreindre les droits du peuple palestinien en décidant la construction d’une nouvelle zone de colonies illégales comprenant 1 257 unités de logement à Jérusalem-Est, a relevé Ankara.
Selon la Turquie, il est clair qu’Israël tente d’empêcher la création d’un » État de Palestine contigu, indépendant et souverain » en construisant de nouvelles colonies illégales entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie.
Dernièrement, la Turquie a appelé la communauté internationale soutenant la vision d’une solution à deux Etats, à s’opposer aux actions agressives d’Israël. Une enquête menée auprès de 13 pays arabes par un groupe de réflexion basé aux Etats-Unis a révélé que la Turquie est le pays dont la politique étrangère est la plus appréciée de l’opinion publique arabe.
Le Think tank «Arab Center» basé à Washington, dans le cadre de son étude «2019-2020 enquête de l’opinion publique arabe» a interrogé environ 30 mille personnes en Algérie, Egypte, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Mauritanie, Maroc, Palestine, Qatar, Arabie Saoudite, Soudan et Tunisie. Cette enquête a permis d’examiner à la fois le point de vue du public arabe sur les politiques dans leur pays et leurs idées sur les politiques de la région et des pouvoirs. La politique étrangère de la Turquie est la plus appréciée, alors que celles de l’Iran et des États-Unis sont les moins appréciés. L’opinion publique arabe considère les États-Unis et Israël comme étant la plus grande menace pour eux. Lorsque les sondés ont été interrogés sur la plus grande menace extérieure pour leur pays, la majorité a pointé Israël, les États-Unis et l’Iran.
Selon le sondage, 89% du public arabe considère Israël, 81% les États-Unis et 67% considèrent l’Iran comme la menace extérieure la plus importante pour eux.
Erdogan considère le Hamas comme le gouvernement légitime des palestiniens et ne reconnait pas l’autorité palestinienne. La Turquie est nettement en compétition plus avec l’Iran qu’avec l’Arabie Saoudite. Deux puissances non arabes sont déterminantes pour les palestiniens et s’imposent au proche orient. Cela va très loin pour les turcs qui ont fédérés plusieurs organisations paramilitaires directement liés au président. Le « Sadat » dirigé par le général turc a la retraite Adnan Tanriverdi est une officine de conseil et de formation militaire. Son objectif est de doter le monde islamique d’une puissance militaire de premier plan pour peser sur la politique mondiale. Cela ressemble pour le moment aux gardiens de la révolution iranienne. Mais le rêve d’une armée conjointe de l’islam sous commandement turc, c’est autre chose, un retour à la puissance ottomane qui a été le dernier califat et rêve de le redevenir sinon en droit pour le moins en fait.
On dit souvent que le président turc tente par une politique étrangère nationaliste de faire oublier ses échecs en politique intérieure notamment au niveau économique. C’est indiscutable et tout va dans le sens d’un durcissement. Des centaines de condamnation à perpétuité s’abattent sur des personnes accusées d’avoir participé à une tentative de coup d’état en 2016. Depuis la Turquie connait une purge unique dans son histoire qui en a connu beaucoup. Et depuis cette date Erdogan s’est lancé dans une stratégie internationale, néo ottomane qui concerne tout le monde islamique et le monde arabe en particulier.
Patrice Zehr