Hasna, 20 ans, étudiante en deuxième année d’études supérieures dans un établissement public, raconte comment elle a vécu sa longue épreuve de demande de stage. Elle se rend compte que le monde du travail est un monde impitoyable…
«Dans le cursus normal de nos études, il fallait valider notre année par un stage d’un mois en administration ou entreprise. Donc, avec ma meilleure amie et camarade de classe, nous souhaitions nous investir dans ce projet qui, pour nous, petites étudiantes, nous paraissait grandiose et enrichissant au niveau personnel.
Bien avant les vacances et sans attendre les résultats, nous avions envoyé des demandes de stage par e-mail. Nous étions même allées en déposer quelques-unes en main propre. Je ne souhaitais pas que mes parents s’en mêlent. Il fallait bien que je grandisse et que je prenne des initiatives. Lors de nos tentatives, à peine le pied dans les locaux, nous franchissions maintes et maintes barrières pour enfin être parachutées dans les bureaux d’accueil ou secrétariat. Comme nous nous sentions petites, minables, sans valeur, dans une solitude accablante! Des personnes désagréables, suspicieuses, hautaines nous recevaient, à commencer par le vigile. Beaucoup n’étaient pas du tout représentatives de ceux pour qui elles travaillaient. Toute personne rencontrée nous passait un pré-entretien minutieux, presque personnel. Après cela, nos interlocuteurs nous tartinaient avec des histoires d’obstacles auxquels nous allions sûrement être exposées. Le principal obstacle n’était autre que le refus de valider la demande de stage. Notre présence causait de l’agitation. Qu’est-ce qu’il y avait comme curieux pleins de bonnes intentions, tentant de prendre nos demandes en nous faisant la promesse qu’ils allaient faire de leur mieux pour que nous soyons acceptées! La situation devenait grotesque. On aurait dit qu’il n’était pas question de stage, mais d’embauche. Et avec le peu de ce qui nous restait de dignité et de courage, nous insistions pour déposer nos demandes auprès des services concernés. Ceux qui voulaient nous aider étaient les plus compatissants de ceux que nous avions rencontrés. Les autres nous remballaient avec un geste qui signifiait «dégagez le terrain, nous ne prenons pas de stagiaires». Nos demandes, qui finalement étaient réceptionnées, devaient certainement atterrir dans la poubelle, sur le champ. Parce que jamais personne ne nous a expédié le moindre des courriers, ni donné une quelconque réponse, négative soit-elle.
Qu’est-ce que nous aurions aimé pouvoir expliquer à tout ce petit monde du travail qui nous a tant humiliées que, pour nous, ce stage n’était rien d’autre que ce qui pourrait nous permettre de percevoir la réalité de ce qui nous attendait ; de faire partie «momentanément» du tissu professionnel au quotidien; de nous rendre compte de ce que la responsabilité impliquait comme contraintes; d’appliquer ce que nous apprenions et d’en comprendre les mécanismes… C’était l’inouïe perspective de pouvoir nous jauger sur le terrain et de savoir quelles sont nos capacités, nos points forts et nos points faibles… En somme, la meilleure occasion de nous accrocher et de continuer de persévérer dans notre apprentissage.
Je comprends mieux, après cette aventure, pourquoi de nombreux étudiants qui n’ont ni appuis, ni connaissances, se munissent de fausses attestations de stage. En plus, je ne peux que deviner l’ambiance quand stage il y a. Ce serait, ni plus ni moins, une contrainte psychologique que d’être face à des encadrants hostiles, abominablement contre cette intrusion dans leur monde.
Je me mords les doigts, aujourd’hui. J’aurais dû faire comme tout le monde et en parler à mes parents, parce que je n’aurais pas perdu de temps et je l’aurais eu ce stage. J’ai honte de dire que j’aurais dû avoir recours au piston, mais c’est ce que j’ai vécu qui me fait dire ça.
Quelle désillusion! J’étais tellement utopiste de croire qu’on allait m’accueillir les bras ouverts pour quelques jours de stage. Dans ma petite tête, j’imaginais des professionnels tout pleins de compréhension, de bénédiction, de générosité envers nous: la génération future, celle qui reprendra le flambeau. Eh bien, non! Et c’est comme ça que nous autres jeunes commençons notre vie professionnelle! Belle perspective…».
Mariem Bennani