Il y a du Pitt bull en Donald Trump. Il ne lâche rien. La presse qui lui est très hostile a tort de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il a été blessé, mais il a continué et il veut aller jusqu’au bout sur la santé, mais aussi sur l’immigration.
Il connaît des échecs, des humiliations mais, au bout du compte, même s’il est ralenti, il avance.
Ainsi, après cinq mois de contentieux devant les tribunaux, les nouvelles restrictions d’entrée aux Etats-Unis, voulues par le président, ont officiellement pris effet le jeudi 29 juin, à minuit.
Ces directives mettent en œuvre la décision de la Cour suprême, qui a autorisé l’interdiction temporaire de visa pour les ressortissants de six pays musulmans et tous les réfugiés, pour autant qu’ils «ne possèdent aucune relation digne de foi avec des personnes ou des entités présentes aux Etats-Unis». Le dispositif est censé prévenir l’arrivée de «terroristes étrangers», selon le gouvernement américain.
L’interdiction temporaire pour une durée de 90 jours concerne les ressortissants d’Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen. Elle est de 120 jours pour les réfugiés.
Les demandeurs de visa originaires de ces six pays devront démontrer qu’ils ont un parent proche (mari, épouse, enfant, gendre, belle-fille, frère ou sœur) établi aux Etats-Unis. En revanche, les grands-parents, les petits-enfants, de même que les oncles, tantes, nièces, neveux, cousins, beaux-frères ou belles-sœurs et fiancés n’entrent pas dans cette catégorie.
«L’interdiction d’entrée aux musulmans viole le principe constitutionnel fondamental, selon lequel le gouvernement ne peut favoriser ou agir de façon discriminatoire à l’encontre d’une religion. Les tribunaux ont successivement bloqué cette interdiction discriminatoire et indéfendable. La Cour suprême a désormais l’occasion de l’annuler définitivement», a réagi pour sa part, lundi 26 juin, Omar Jadwat, avocat de l’American Civil Liberties Union (ACLU), importante organisation de défense des libertés.
Directrice juridique du National Immigration Law Center, Karen Tumlin, citée par le journal français «20 minutes», estime pour sa part que ces nouvelles directives établies à l’usage des agents consulaires des Etats-Unis auront pour résultat de «claquer la porte à tant de gens qui attendent depuis des mois, voire des années, de pouvoir être réunis avec leurs familles».
La décision est tombée au dernier jour de la session annuelle de la Cour suprême, l’institution qui, aux Etats-Unis, a le dernier mot sur tous les sujets nécessitant une interprétation de la Constitution.
Cette demi-victoire juridique marque un succès politique pour Donald Trump, dont la mesure emblématique avait été suspendue par de multiples juges, en première instance et en appel.
Non seulement les plus hauts magistrats du pays acceptent que le décret soit mis partiellement en application, mais ils offrent au président américain une chance d’emporter une victoire judiciaire finale venant annuler les camouflets subis.
«Il est regrettable que la Cour suprême ait décidé de rejeter la décision de la juridiction précédente ou à tout le moins d’envisager de le faire», a déclaré Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, devant la presse à Berlin. «Cela n’améliore la sécurité de personne».
«Nous avons toujours pensé que l’interdiction d’entrée des musulmans n’a aucune justification dans les faits et n’aide pas le monde à lutter contre le terrorisme», a jugé le ministre, estimant qu’au contraire, cela allait aider les extrémistes à recruter.
«Malheureusement, il est regrettable que les citoyens des pays sur la liste, qui n’ont jamais participé à un acte terroriste contre les Etats-Unis, soient punis pour des actes commis par d’autres pays qui ne sont pas sur la liste», a encore jugé le chef de la diplomatie.
La semaine dernière, des dizaines de réfugiés, de dirigeants spirituels et d’autres militants avaient marqué la Journée Mondiale des Réfugiés lors d’un rassemblement devant la Maison Blanche. Des avocats ont rappelé à cette occasion les contributions apportées au pays par les réfugiés et ont également condamné ce qu’ils appellent les politiques discriminatoires américaines vis-à-vis des demandeurs d’asile. Le 20 juin est la date qui a été choisie pour célébrer la Journée Mondiale des Réfugiés; une date-clé qui rend hommage à ceux qui ont fui leurs foyers pour des raisons sécuritaires et/ou pour les persécutions subies dans leur pays. Selon USA Today, au milieu des prières et des discours, les participants au rassemblement auraient scandé: «Pas de haine! Pas de peur! Les réfugiés sont les bienvenus ici!».
Le «muslim ban» de Donald Trump est donc entré en vigueur aux Etats-Unis.
Mais il est aussi très politique et à géométrie variable. Il ne concerne en effet pas les pays dont étaient originaires plusieurs des auteurs des attaques terroristes de ces dernières années aux Etats-Unis: l’Arabie Saoudite, l’Egypte et le Pakistan.
Patrice Zehr