Le symbole est bien sûr fort. Après un président noir, pour la première fois, une femme présidente à la tête des USA, première puissance mondiale.
C’est la grande force médiatique de la candidature d’Hilary Clinton. Elle a d’autres atouts: une formidable expérience politique, avoir connu de l’intérieur, aux côtés de son mari, la Maison Blanche, avoir en tant que Secrétaire d’Etat connu les grands de ce monde et les défis internationaux majeurs.
Mais la partie, pour elle, est loin d’être gagnée: de première dame à première femme à la Maison blanche, ce ne sera pas un long fleuve tranquille. Son âge joue contre elle, elle aurait 69 ans à l’élection, son action a souvent été sévèrement critiquée, tout comme son attitude auprès de Bill après l’affaire Lewinsky. Elle est aussi jugée hautaine et appartenant à la classe des nantis qui s’intéresserait faussement aux classes modestes. C’est pourquoi elle a lancé sa campagne modestement en insistant sur la modernité et l’ouverture vers les minorités raciales et sexuelles. Sa popularité sera plus grande dans les médias internationaux qu’en Amérique même.
Témoin ce qu’écrit le journal français Le Monde:
«Voilà une femme de 67 ans, mariée à un homme qui a été lui-même président des Etats-Unis pendant deux mandats et dont elle a largement contribué à la carrière, ex-sénatrice de New York, candidate une première fois à la présidence en 2008. Elle y a été battue, dès les primaires démocrates, par Barack Obama qu’elle a ensuite loyalement servi pendant quatre ans à la tête de la diplomatie américaine. Aujourd’hui grand-mère assumée, cette femme qui connaît de très près tous les coups bas, les turpitudes et la cruauté du combat politique aux Etats-Unis, se lance à nouveau dans la bataille pour l’élection de 2016. C’est une persévérance qu’il faut saluer. Si elle réussit, elle sera la première femme présidente des Etats-Unis, succédant au premier président noir».
Elle apparaît donc en super favorite, mais elle a de grosses faiblesses.
Tout d’abord, elle aura du mal à imposer sa nouvelle image marketting.
A en croire le New-York Times témoin de ses premiers pas à Monticello (Iowa), l’ancienne sénatrice de New-York, ex-Secrétaire d’Etat et toujours femme de «Bill», a du mal à habiter son nouveau rôle. Remarque d’un des étudiants conviés à une table ronde «Sans façon»: «Hillary cherche à gommer ses erreurs passées, mais elle manque d’authenticité. Ses apparitions fleurent bon le script millimarketé». La superwoman de la politique doit encore franchir trois formidables obstacles. Proposer un vrai programme; prouver au peuple américain que les dynasties sont solubles dans la démocratie; gagner une campagne qui, outre-Atlantique, ressemble toujours plus à un combat de catch qu’à une consécration.
En politique, les Américains aiment le combat, la compétition, les visages nouveaux. Ils détestent les «couronnements», explique le New-York Times. A l’aune de ces valeurs, la favorite des sondages est-elle la mieux armée pour gagner?
En 1992, face au républicain George Bush, auréolé de son «succès» dans la première guerre du Golfe, les progressistes comptaient sur le démocrate Al Gore ou le populiste Ross Perot pour porter leurs couleurs. A la surprise générale, c’est un inconnu de 42 ans, gouverneur d’Arkansas, Etat jugé marginal, qui l’emporta. Son nom: Bill Clinton. Et puis, sa candidature est tout de même la preuve que la démocratie américaine dérive de plus en plus vers une oligarchie dynastique.
Après 8 années, Clinton et deux mandats Bush, Hilary peut-elle être la prochaine figure d’une aristocratie élective, dont l’alternance a tendance à s’installer dans la République des égaux? «Les dynasties ne sont pas bonnes pour l’Amérique», expliquait naguère Bill Clinton. Mais si vous vous battez à la régulière et que vous l’emportez, ce n’est pas dynastique». Des mots! Car chacun sait que la «dynastie» Clinton -comme la «dynastie» Bush dont le dernier rejeton, Jeb Bush, gouverneur de Floride, s’apprête à entrer dans l’arène- dispose pour sa campagne de tous les ingrédients -argent et réseaux- permettant d’écrabouiller les concurrents aux primaires…
Un super politicien honnête, compétent, mais moche et sans argent, n’aurait aucune chance dans la démocratie américaine qui veut s’imposer comme modèle indépassable au monde, mais dont les élections de plus en plus dynastiques depuis les Kennedy mériteraient sans doute une remise en question.
Patrice Zehr