La vaccination mondiale contre le coronavirus risque de ralentir à cause de l’évolution rapide de la situation en Inde et la propagation du variant indien, a estimé le médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, Tayeb Hamdi.
L’Inde est le « laboratoire du monde » en matière de fabrication des médicaments et des vaccins, avec 60% des vaccins du monde, relève M. Hamdi, dans une analyse consacrée à la situation épidémiologique dans ce pays asiatique, soulignant que l’Inde a besoin de plus de vaccins pour juguler l’épidémie et que le ralentissement mondial de la vaccination risque de se poursuivre encore.
En effet, chaque variant qui émerge avec des caractéristiques de transmissibilité supérieure risque de se propager dans tous les pays, a-t-il précisé, notant que plus un virus se propage et se multiplie, plus le risque de voir d’autres mutations plus graves émerger.
« L’Inde enregistre chaque jour entre 300 et 400 mille nouveaux cas de covid-19, et plus de 3000 morts en 24 heures. Ces chiffres seraient en dessous des chiffres réels selon plusieurs experts et observateurs sur place », a poursuivi le médecin.
Concernant les raisons de cette évolution dramatique en si peu temps dans ce pays, M. Hamdi énumère deux raisons « évidentes ». D’abord, l’apparition d’un variant indien du Sarscov2, désigné sous le nom de B 1.617 et aussi les grands rassemblements politiques, religieux et socioculturels qu’a connus l’Inde ces dernières semaines sans respect des mesures barrières individuelles et collectives.
« Une chose est certaine: les rassemblements eux-mêmes sont des occasions propices à la propagation du virus, conjugués au non-respect des mesures barrières. Ces occasions deviennent les catalyseurs des flambées de l’épidémie », a-t-il argumenté.
Et d’ajouter: « Pour le variant, les experts s’accordent à dire que certainement il serait plus contagieux que la souche classique, mais on ne sait ni à quel point, ni s’il se propage plus vite que le variant britannique qui était omniprésent en Inde ».
« Ce variant indien a été détecté la première fois en Inde (Mahārāshtra) chez un homme le 5 octobre 2020. Il est appelé dans les médias le double mutant, à cause du fait qu’il porte une mutation déjà vue sur la variant californien et une autre mutation semblable à celle vue sur les variants sud-africain et brésilien. Cela ne veut pas dire que ce variant ne porte que ces deux mutations, il porte d’ailleurs 15 mutations, et ce variant n’est pas le résultat d’une fusion des variants dont il porte les mutations semblables », a fait observer le chercheur.
Au sujet de l’efficacité des vaccins contre le variant indien, M. Hamdi estime que de par la nature des mutations qu’il porte, les experts s’attendent à ce que ce variant déjoue ne serait-ce que partiellement l’immunité conférée par la maladie et la vaccination. « Ce n’est pas encore prouvé, mais une étude a conclu qu’il s’est avéré que le vaccin indien Covaxin produit par Bharat Biotech, est moins efficace sur ce variant indien », a-t-il ajouté.
Et de préciser que même si l’Inde est le « champion du monde » de la fabrication des vaccins, et même si ce pays a mis au point ses propres vaccins anti-Covid, il n’avait vacciné que moins de 9% de sa population.
Il est évident qu’avec cette flambée incontrôlable dans un pays aussi peuplé, avec une densité aussi élevée, une proximité sociale et des conditions socioéconomiques limitant les mesures de riposte, la situation va durer des semaines encore, malgré l’intervention gouvernementale, et le nombre de décès pourrait se multiplier par quatre ou plus dans les quatre mois à venir et atteindre selon des experts un million de décès, prévient M. Hamdi.
« Nous devrions recevoir des vaccins AstraZeneca fabriquées en Inde, les livraisons seront retardées. Heureusement que plus de deux tiers de notre commande globale ne concernaient pas ces vaccins », a-t-il fait savoir.
Pour les leçons à tirer, Dr Hamdi indique tant qu’on n’a pas atteint l’immunité collective, il est impossible de délaisser les mesures préventives, ajoutant que « les mesures barrières et territoriales sont là pour nous protéger contre de telles situations ».
« Une situation stable et sous contrôle peut basculer en moins de trois semaines en situation catastrophique. Le respect des mesures préventives individuelles et collectives est notre arme de protection contre la maladie certes, mais aussi notre couverture qui nous permet de garder un seuil acceptable de vie sociale, économique et scolaire. Le relâchement conduit directement aux catastrophes et aux restrictions et dégâts plus graves. Restons vigilants », a-t-il conclu.
LR/MAP