Le verdict de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la validité de l’accord de pêche entre le Maroc à l’Union Européenne (UE) est tombé, mardi 27 février 2018.
Les béotiens qui jubilent au motif que la Cour de justice européenne ne considère pas le Sahara comme étant un territoire marocain se couvrent de ridicule.
D’abord, la Cour ne dit pas non plus que le Sahara appartient au Polisario, ni que «l’autodétermination» dont elle parle concerne le front séparatiste. Pour le Maroc, le Polisario n’a pas le monopole de la représentation des Sahraouis. C’est un des points défendus devant l’ONU.
Ensuite, il est bien évident que la Cour européenne ne pouvait pas rendre un jugement différent sur cette question, puisque le désaccord sur le statut de ce territoire est devant l’ONU, qui est chargée d’aider à déterminer le statut définitif.
Enfin, cet arrêt est rendu de telle manière qu’il laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Et, surtout, ni il met fin à l’actuel accord de pêche Maroc-UE, ni il interdit d’en conclure un autre quand l’actuel arrivera à échéance.
Dernière observation: l’intention, annoncée par les deux parties signataires de l’accord, de trouver «les outils» pour tenir compte de l’arrêt de la Cour tout en continuant de faire ce qu’elles font, est l’ultime pied de nez adressé aux détracteurs de cet accord.
Dans son arrêt, la Cour européenne a considéré que «l’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’UE est valide, du moment qu’il ne couvre pas les eaux adjacentes au Sahara». La CJUE a également estimé que «le territoire du Sahara ne relève pas de la notion de territoire du Maroc, au sens de l’article 11 de l’accord de partenariat». Elle a ajouté que le Maroc ne peut exercer sa souveraineté que «sur les eaux adjacentes de son territoire et relevant de sa mer territoriale ou de sa zone économique exclusive». Selon la justice européenne, l’inclusion du territoire dans le champ d’application de l’accord de pêche «enfreindrait plusieurs règles du droit international, notamment le principe d’autodétermination».
D’un point de vue juridique, il s’agit, comme l’ont souligné plusieurs juristes avant l’annonce par la CJUE de son verdict, d’un territoire (Sahara) dont le dossier est devant l’ONU et qui ne peut donc faire l’objet d’aucun jugement sur le fond devant d’autres tribunaux locaux ou régionaux. Cependant, il va de soi que la Cour de justice européenne ne peut ignorer le fait que la question du Sahara est inscrite devant la 4ème Commission de l’ONU (Commission de décolonisation)… Sachant que c’est le Maroc qui l’a volontairement inscrite devant ladite Commission, en 1963, avant même l’existence du Polisario et l’indépendance de l’Algérie qui soutient, depuis des décennies, le front séparatiste.
Côté marocain, il est expliqué que rien dans le verdict de la CJUE ne remet en question la légitimité du Royaume à négocier des accords avec l’Union européenne, y compris dans le volet Sahara. Par conséquent, le Polisario et son mentor algérien, qui cherchaient à tout prix, à travers l’arrêt de la Cour européenne, un statut à leur auto-proclamée RASD, ont vu leurs ambitions tomber à l’eau. En effet, le nouveau verdict sur l’accord de pêche Maroc-UE, après celui de 2016 sur l’accord agricole, n’a pas non plus fait mention de cette entité chimérique qui cherche à se faire passer pour «le représentant des Sahraouis». Par conséquent, on peut dire que la CJUE a tenté de faire preuve de neutralité dans son verdict, sachant que le Maroc estime que c’est à l’Union Européenne d’assumer ses responsabilités et que les accord signés entre Rabat et Bruxelles sont d’ordre purement commercial et non politique.
Bourita et Mogherini s’expriment
Dans une déclaration conjointe, rendue publique mardi 27 février 2018, l’Union Européenne (UE) et le Royaume du Maroc se sont officiellement exprimés sur l’arrêt de la CJUE, concernant la validité de l’accord de pêche Maroc-UE. Ainsi, la Haute-Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, ont exprimé leur détermination à poursuivre leur partenariat stratégique. Mogherini et Bourita ont également affirmé avoir «pris connaissance de l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne au sujet de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union Européenne», tout en confirmant leur attachement au partenariat stratégique entre le Maroc et l’UE et leur détermination à le préserver et à le renforcer et à œuvrer pour le renforcement de leur dialogue politique, pour préserver la stabilité de leurs relations commerciales. Les deux hauts responsables ont, à cette occasion, mis l’accent sur la richesse et la vitalité des relations entre l´Union Européenne et le Maroc et leur plein attachement au développement continu de ces dernières dans tous les domaines d’intérêt mutuel avec, en premier lieu, des dossiers stratégiques, comme la politique migratoire, la sécurité, la stabilité et le développement régional, ainsi que le développement de la recherche scientifique; questions sur lesquelles les deux hauts responsables sont convenus d’intensifier et d’élargir leur coopération déjà en cours. Féderica Mogherini et Nasser Bourita ont, à cette occasion, réaffirmé leur soutien au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dans le cadre du processus visant à parvenir à une solution politique et définitive au dossier du Sahara.
Le verdict de la Cour de Justice de l’Union Européenne sur la validité de l’accord de pêche Maroc-UE n’a en tout cas pas suivi les conclusions de l’Avocat général de la CJUE. Dans un avis publié le 10 janvier 2018, Melchior Wathelet avait estimé que l’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’Union Européenne est «invalide».
Mohcine Lourhzal
Les mises en garde adressées à la CJUE Avant l’annonce du verdict de la CJUE sur la validité de l’accord agricole entre le Maroc et l’Union Européenne, plusieurs juristes avaient mis en garde la CJUE de ne pas outrepasser ses prérogatives strictement juridiques en empiétant sur le politique. La dernière réaction en date est celle du juriste français, Jean-Jacques Neuer, qui, tout en rappelant l’arrêt rendu par la CJUE le 21 décembre 2016 sur l’accord agricole UE-Maroc, a estimé qu’en considérant, dans ses conclusions du 10 janvier 2018, que l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalide, l’avocat général de la Cour, Melchior Wathelet, «est allé un pas plus loin que l’arrêt de 2016», soulignant que la question du Sahara relève de la compétence de l’Organisation des Nations Unies (ONU), la seule habilitée à statuer sur ce dossier.
Accord de pêche Maroc-UE en bref L’accord de pêche Maroc-UE, qui arrivera à expiration le 14 juillet 2018, est entré en vigueur en 2014 pour une durée de 4 ans. Il donne accès aux navires européens à la zone de pêche atlantique du Royaume, en échange d’une contrepartie financière de 30 millions d’euros par an fournie par l’UE et 10 millions d’euros comme contribution des armateurs.
Aziz Akhannouch explique… La CJUE a validé l’accord de pêche Maroc-UE et n’a pas suivi l’avis de son Avocat général qui demandait l’interdiction de la pêche, a affirmé, mardi 27 février 2018 à Rabat, le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Aziz Akhannouch. La Cour n’a pas interdit la pêche, ce qui fait que les activités de pêche vont se poursuivre d’une manière normale jusqu’à l’arrivée à terme de l’accord, a souligné Akhannouch. L’activité de la pêche continuera jusqu’à la fin de la période prévue par l’accord, à savoir juillet prochain, a-t-il insisté, notant que le Maroc et l’UE disposent d’un délai raisonnable pour entamer les négociations pour l’avenir. Le ministre a également relevé que la Cour «ne donne aucun rôle au Polisario dans ce dossier», mais demande à ce que les choses soient plus claires à l’avenir en apportant plus de précisions sur les provinces du sud, dans le cadre du futur protocole de pêche. Car, a-t-il expliqué, les coordonnées précisées dans l’actuel accord ne sont pas assez définies pour intégrer les régions du sud, d’après l’arrêt. Akhannouch a, en outre, fait observer que la Cour ne conteste pas la capacité du Maroc, y compris dans les zones du sud, à négocier un accord de pêche. En somme, c’est un jugement similaire à celui relatif à l’accord d’agriculture, a-t-il dit, ajoutant que, pour le futur des négociations, il va falloir adapter les outils pour être en phase avec l’arrêt de la CJUE. Que retenir de cette affaire?
Extraits du verdict de la CJUE – «(…) Compte tenu du fait que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l’accord de pêche». – «La Cour en conclut que la ‘‘zone de pêche marocaine’’ relevant du protocole ne comprend pas les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental». – «La Cour juge donc que, dès lors que ni l’accord de pêche ni le protocole qui l’accompagne ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, les actes de l’Union relatifs à leur conclusion et à leur mise en œuvre sont valides.» – «L’inclusion du territoire dans le champ d’application de l’accord de pêche enfreindrait plusieurs règles du droit international».
La position du Maroc – L’arrêt ne remet nullement en cause la capacité du Maroc à signer des accords internationaux dans le domaine de la pêche couvrant les eaux du Sahara. – La Cour a contredit l’avocat général dont l’avis était destiné à invalider l’accord de pêche et à dénier au Maroc toute capacité de signer un tel accord. – L’accord est valide et sera exécuté jusqu’à la date de son expiration en juillet prochain. – La Cour dit que ce qui n’est pas explicitement mentionné n’est pas déduit. En d’autres termes, pour que le Sahara soit intégré, il faut qu’il soit mentionné. La Cour a fait une lecture explicite de ce qui est mentionné dans l’accord. – Le Maroc n’est évidemment pas d’accord avec tous les termes de l’arrêt. Pour lui, tous ses territoires se valent, aucune distinction ne peut être faite. “Le Maroc n’a jamais négocié et ne négociera jamais en dehors de cette position’’. Le Maroc «négociera en partant d’une logique de souveraineté». – Le Maroc acceptera d’ouvrir les négociations. Comme pour l’accord agricole, il s’agira de trouver la formule qui explicite que les provinces du sud sont concernées par les dispositions de l’accord.
ML