Spot publicitaire de la campagne nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes (2017)
Il suffit parfois d’un coup de sifflet pour chasser un «mâle»…
Sensibiliser sur l’importance de la lutte contre les violences faites aux femmes, face à l’ampleur de ce phénomène. Tel est l’objectif escompté par le tissu associatif féministe qui milite pour la dignité de la femme marocaine. Malgré les promesses du gouvernement d’un Maroc digne de ses femmes, les chiffres sont là pour prouver que beaucoup reste à faire pour y parvenir.
Ni les campagnes de sensibilisation, ni les textes législatifs n’ont eu raison du phénomène des violences faites aux femmes, dont le taux reste particulièrement inquiétant dans le Royaume.
Un phénomène qui a la peau dure
Le 27 novembre 2018, le ministre de la Santé a dévoilé des chiffres pour le moins alarmants et qui prouvent que la violence basée sur le genre a la peau dure au sein de la société. En réponse à une question orale à la Chambre des conseillers, Anas Doukkali, tout en se basant sur les résultats de l’Enquête nationale sur la population et la santé de la famille au titre de l’année 2018, a fait savoir que 15% des femmes mariées, âgées de 15 à 49 ans, ont subi un acte de violence au cours des 12 derniers mois de l’année 2017.
A chaque région sa perception
Par répartition géographique, Doukkali a fait savoir que c’est dans le milieu urbain que la femme marocaine est le plus en proie à la violence, avec 17% des cas, contre 11,9% dans le milieu rural, concernant cette catégorie d’âge. Par région, le ministre a précisé que c’est à Casablanca-Settat que le taux des violences faites aux femmes reste le plus élevé, avec 22,5%. A Rabat-Salé-Kénitra, il est de 17,1%. Les régions du sud, quant à elles, enregistrent les taux les plus bas en termes de violences à l’égard des femmes (entre 4,4% et 8,9%). Il faut dire que dans ces régions, les femmes bénéficient d’un statut et d’un traitement particuliers de la part des hommes, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans les grandes métropoles.
Et de six pour la campagne nationale
Pour sensibiliser la société à l’urgence de s’unir contre les violences faites aux femmes, le Royaume a lancé, pour la sixième année consécutive, la campagne nationale de lutte contre ce phénomène. Organisée depuis 2002, cette campagne, lancée le 26 novembre et qui se poursuivra jusqu’au 25 décembre 2018, est organisée cette année sous le thème «Mobilisation sociétale contre la violence faite aux femmes». Pour la ministre de la Famille, de la Solidarité, de l’Egalité et du Développement social, Bassima El Hakkaoui, la mise en œuvre des réformes institutionnelles et législatives en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes, avec notamment l’entrée en vigueur de la loi n° 103.13, requiert une mobilisation générale, afin de mettre en place les conditions propices à la protection de la dignité et des droits de la femme marocaine. El Hakkaoui a expliqué, lors de la cérémonie de lancement, que cette campagne nationale constitue une occasion annuelle, pour le Maroc, de réaffirmer l’engagement du gouvernement à lutter contre toutes les formes de discrimination et de mauvais traitement dont souffrent les femmes.
Mais, loin du ton rassurant des responsables gouvernementaux, la réalité montre que la situation de la femme marocaine n’est pas près de s’améliorer rapidement; ce qui ne réjouit pas le tissu associatif actif dans la défense de la cause féminine au Maroc. C’est la raison pour laquelle les associations de défense des droits des femmes sont passées à l’action.
A défaut de patience, s’armer de sifflets
Parmi les nouvelles initiatives lancées au Maroc pour la défense des femmes, il y a l’incitation des victimes de harcèlement dans les espaces publics à ne plus se taire, ni baisser la tête, face à des «hommes» qui se croient tout permis. Baptisée «Ila Dsser Seffri» (S’il vous harcèle, sifflez), l’idée consiste, dans le fait, à donner un coup de sifflet dès lors qu’on est victime de harcèlement ou de toute autre forme de violence dans les lieux publics, comme les rues, les cafés ou les centres commerciaux, entre autres endroits où la mixité est heureusement toujours permise. Cette initiative n’est pas la seule à avoir vu le jour face à la multiplication des cas de violences faites aux femmes dans le Royaume.
«Masaktach»
Après la médiatisation, en août 2018, de l’affaire de la jeune Khadija, séquestrée et violée pendant deux mois à Fqih Bensalah, un collectif a été formé pour dire «Stop» aux violences dont sont victimes les femmes marocaines quasi quotidiennement, face à l’impuissance des pouvoirs publics qui n’arrivent toujours pas à contrer le phénomène. «Masaktach» est le nom choisi par ledit collectif. Selon les membres de ce dernier, l’objectif de cette opération n’est pas d’encourager les victimes à se faire justice elles-mêmes ou à se substituer aux forces de l’ordre et aux juges. Il s’agit surtout de les amener à vaincre leur peur qui les empêche de parler en public des souffrances qu’elles subissent. D’autant plus qu’une loi contre les violences faites aux femmes est récemment entrée en vigueur, qualifiée par le gouvernement de victoire de la femme marocaine.
Comme expliqué dans une précédente interview au Reporter, l’avocat et conseiller juridique, Jamal Maatouk, avait expliqué que le problème au Maroc n’est pas lié aux lois, mais surtout à leur application. «Plusieurs lois et mesures sont mises en place pour protéger les citoyens et les citoyennes. Pourtant, elles ne changent rien à la réalité, ni au quotidien des Marocain(e)s.
Le respect mutuel entre les hommes et les femmes constitue l’un des principaux indicateurs qui permettent de mesurer le degré de développement d’un pays. Au Maroc, la multiplication des cas de violences physiques et psychologiques faites aux femmes montrent, encore une fois, qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir, avant que s’ouvre une nouvelle ère où les femmes seront traitées avec respect.
Mohcine Lourhzal