Tout sur l’industrie navale au Maroc, poulpe, thon rouge, contrebande…

Tout sur l’industrie navale au Maroc, poulpe, thon rouge, contrebande…

Entretien avec Kamal Sabri, président de la Chambre de pêches maritimes du nord

Kamal Sabri, président de la Chambre de pêches maritimes du nord, estime que le secteur de la pêche maritime se porte bien. Plusieurs signes en témoignent, affirme-t-il et il nous explique pourquoi.

Comment se porte aujourd’hui le secteur de la pêche au Maroc?

Le secteur se porte bien. Les gens continuent d’y croire et d’y investir. La preuve, c’est que la construction des bateaux est en train de se développer. On ne construit pas des bateaux dans un pays où il n’y a pas de ressources. D’ailleurs, nous sommes le seul pays au monde qui a une industrie de construction navale qui tourne à merveille. On est à l’œuvre pour construire une quarantaine de bateaux par an. Ce ne sont pas de nouvelles licences. Ce sont de vieux bateaux existants, mais qui sont en train d’être renouvelés ou remplacés par de nouveaux bateaux modernes et plus chers. Tous les chantiers navals sont «full» en commandes, jusqu’à 2020. Et, dois-je le signaler, ce sont des armateurs marocains qui, il y a encore quelques années, avaient des difficultés. Aujourd’hui, ils sont en train de construire ces nouveaux bateaux. Nous sommes passés de la construction artisanale des bateaux en bois à la construction en acier. A Agadir, par exemple, dix bateaux en acier sont déjà livrés et dix autres sont en cours de construction. De même, une quarantaine d’unités sont en cours de construction en bois, notamment à Agadir, Safi, Larache et El Jadida.

Plusieurs campagnes de pêche viennent de prendre fin. Quelle évaluation en faites-vous à la Chambre?

Parmi les points qui figurent à l’ordre du jour de notre Assemblée générale du jeudi 5 octobre, il y a justement l’évaluation de quatre saisons de pêche, à savoir notamment celles relatives aux algues, au thon rouge, à l’espadon et aux petits pélagiques. Cette Assemblée coïncide d’ailleurs avec la fin de ces quatre saisons de pêche. S’agissant du ramassage des algues, dont la saison a pris fin il y a un mois, sincèrement, je peux dire que l’on est en train de récolter les fruits de la stratégie Halieutis. Aujourd’hui, la ressource en matière d’algues est en train de reprendre ses forces. La preuve en est que, cette année, il y a eu une hausse, en termes de quotas de pêche, de 10% par rapport à l’année dernière. En plus, il y a une valorisation au niveau des prix. Aujourd’hui, on ne trouve plus de braconnage en mer. Pour la simple raison que le plongeur, pendant l’arrêt biologique, sait qu’il ne trouvera pas à qui vendre sa marchandise sans les documents. En parlant du segment des algues, il faut rappeler qu’avant la mise en place d’un plan d’aménagement des algues, le Maroc ne contrôlait pas ce qu’on ramassait de la mer. L’export des algues ne passait pas par les halles et il n’y avait pas un quota à l’export. Conséquence, l’administration n’avait aucune information sur cette ressource. Au moment de l’export, les gens faisaient des fraudes au niveau des déclarations. Les gens s’adonnaient au ramassage sur toute l’année. On ignorait donc ce qu’on produisait réellement en matière d’algues. Mais depuis quatre ans, des licences à l’export sont délivrées aux exportateurs. Sans ces licences, on ne peut donc pas exporter ce produit. Enfin, je dois souligner qu’avant, il y avait l’anarchie totale et ceux qui en profitaient, c’étaient les industriels européens. Mais les choses ont changé avec l’arrivée de la stratégie Halieutis. Pour encourager l’activité de ramassage des algues sur le plan local et valoriser le produit localement, cette stratégie a favorisé les industriels en leur réservant 80% de ce qui est pêché. Ce qui signifie que ce quota doit être valorisé au Maroc pour préserver les emplois à terre.

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La saison de pêche du thon rouge a, semble-t-il, connu quelques problèmes. Cela n’a-t-il pas influencé négativement les résultats de cette campagne?

Je dois dire que la saison de pêche du thon rouge est très bonne. La capture du thon rouge, qui ne dure que 15 jours, a pris fin le 30 juillet. Les préparatifs, quant à eux, durent deux mois pour le calage du matériel en mer. 80% de ce thon capturé sont destinés à l’export. Le système est bien contrôlé. Il faut savoir que, dans ce segment de pêche de thon, les gens ne gagnent pas dans la pêche directe, mais plutôt dans l’engraissement. Au Maroc, cette technique a commencé à voir le jour, même pour les madragues. Une première expérience a d’ailleurs vu le jour à Larache où une ferme s’est installée. C’est sa 3ème année d’activité. Et les résultats sont très satisfaisants. A noter que le Maroc bénéficie d’un quota de 1.200 tonnes. Mais aujourd’hui, avec cette technique d’engraissement, on peut ainsi garder un poisson de 150 kg en le nourrissant: il peut  atteindre 300 kg. Le chiffre d’affaires réalisé est donc très important. Enfin, je tiens à souligner que l’ICCAT (organisme international qui fixe le quota pour chaque pays membre en thon rouge) organise sa prochaine Assemblée à Marrakech, en décembre 2017. C’est une reconnaissance que le Maroc est un bon élève et qu’il respecte toute la réglementation en matière de pêche de cette espèce.

Mais la saison de cette année a été marquée par quelques problèmes au début de la campagne, notamment à Ksar Seghir. Qu’en est-il donc, de la part de la Chambre de pêches maritimes du nord?

En fait, ce qui s’est passé à Ksar Seghir, c’est que les gens se sont attaqués à une espèce qui n’est pas destinée à l’export. Les pêcheurs l’ont capturée en grande quantité et le marché ne pouvait pas absorber toute cette quantité en cette période-là, c’est-à-dire deux ou trois jours. En ce qui concerne la zone atlantique, deux membres de la Chambre de pêches maritimes du nord s’adonnent à cette activité de pêche du thon rouge. Un des membres a deux madragues de thon rouge et un autre a deux bateaux thoniers. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons programmé ce point au menu des travaux de notre Assemblée.

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Qu’en est-il des pêcheries de poulpe?

Je peux vous assurer qu’aujourd’hui, c’est plus qu’une réussite. La saison des pêcheries de poulpe est très positive. Dans la région qui relève de notre Chambre, allant de la zone de Moulay Bousselham jusqu’à Essaouira, il y avait quelques problèmes concernant la pêche de poulpe. Comme à Safi, par exemple, où il y avait encore du trafic, notamment pour la pêche artisanale. En fait, c’était une question d’organisation. L’heure d’arrivée des barques ne coïncidait pas avec l’heure de l’ouverture de la vente pour la pêche artisanale. Car la halle n’était pas ouverte. Ce qui poussait les pêcheurs à stocker leur poisson. Et cela influençait les prix. Mais nous avons résolu ce problème durant cette saison. Avant la stratégie Halieutis, toutes les sociétés étaient en redressement judiciaire. Tous les bateaux de la pêche hauturière (320 unités) étaient à vendre, mais ils ne trouvaient pas d’acheteurs. C’est que, il y a six ans, le secteur connaissait plusieurs problèmes, notamment au niveau des ressources. Mais aujourd’hui, vous pouvez aller chez les armateurs de la pêche hauturière et leur demander de vous vendre leurs bateaux à n’importe quel prix. Je peux vous assurer que vous n’aurez aucune offre. Cela veut dire que la ressource a repris et c’est devenu un business gagnant. Concernant, les petits pélagiques, là aussi, la saison est très satisfaisante. C’est sur la bonne voie. Moi-même, à part le fait que je sois président de la Chambre de pêches maritimes du nord, j’ai des investissements dans ce segment de petits pélagiques et je continuerai d’y investir. J’y crois, car il y a de la visibilité dans le secteur. D’ailleurs, les armateurs de la pêche hauturière refusent de vendre aujourd’hui leurs bateaux. Ce qui est un bon signe. Sachant que les bateaux qui ont été vendus, il y a cinq ans, à 5 millions de dirhams, coûtent aujourd’hui 20 millions de dirhams.

Dans certaines zones du Royaume, on continue pourtant de parler de contrebande, notamment durant la période de repos biologique…

Malgré tout, le phénomène a beaucoup diminué. Aujourd’hui, on est à 5%, alors que, dans les plus grands pays, l’informel représente 20% dans le secteur de la pêche. A savoir qu’à l’époque, on était à 90%, voire 100% et ce, durant les années 2010-2012 et jusqu’à 2016. Il faut dire que c’est grâce à la stratégie Halieutis, qui a mis en place un certain nombre de dispositifs (contrôle, documents de traçabilité, etc.) pour la préservation des ressources, que l’on est aujourd’hui à 5%.

Propos recueillis par Naîma Cherii

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